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Témoignage de Séverine DERLOT

                         Responsable du patrimoine applicatif de la Métropole de Lyon

 

AIFE : « Pouvez-vous présenter la métropole de Lyon et vos responsabilités en son sein ?

Séverine Derlot : « La Métropole de Lyon est née le 1er janvier 2015 : c'est une collectivité territoriale unique en France créée par la fusion de la Communauté urbaine de Lyon et du Conseil général du Rhône sur les 59 communes qui composent le territoire du Grand Lyon. Au sein de la Métropole de Lyon, je suis responsable de patrimoine applicatif. J’ai notamment sous ma responsabilité plusieurs applications de dématérialisation : Gestion Électronique de documents (GED), signature électronique, archivage électronique, orchestrateurs de flux, etc. »

 

AIFE : « Quelle est votre politique, votre stratégie en matière d’applications ? »

Séverine Derlot : « Notre politique applicative est d’éviter au maximum tout développement spécifique et d’utiliser des progiciels du marché, prioritairement en open source s’ils existent et nous satisfont. Ainsi nous utilisons plusieurs applications de la suite open source de Libriciel : le parapheur électronique, le système d’archivage électronique (asalae) et l’orchestrateur (pastell). Pour la GED, nous utilisons le logiciel d’Alfresco qui reste un open source, même si nous utilisons la version propriétaire.  Et pour ce qui est télétransmission, nous utilisons les outils propriétaires de Docapost. »

 

AIFE : « Il y a quelques mois la Métropole de Lyon a souhaité tester le service de vérification automatique de signature électronique proposé par l’AIFE sur sa plateforme API PISTE dans le cadre de la signature des contrats de sa commande publique : quels étaient votre besoin et vos objectifs à la genèse de ce test ? »

Séverine Derlot : « Il faut d’abord rappeler que dans une collectivité territoriale comme la métropole de Lyon, nous avons une obligation de dématérialiser tous nos marchés publics de plus de 40 000 euros. Nous avons fait, de plus, le choix d’aller jusqu’à la signature électronique dans le cadre de la commande publique, même si cette signature électronique n’est pas obligatoire. Ainsi, nous recevons des documents des entreprises qui candidatent à nos marchés publics signés électroniquement, avec un certain type de signature, essentiellement au format « PadES », avec soit une signature intégrée, c’est-à-dire imbriquée dans le fichier PDF signé, ou bien détachée, c’est-à-dire embarquée dans un fichier distinct du fichier PDF signé. Mais ce sujet est assez complexe techniquement, et beaucoup d’utilisateurs sont malheureusement un peu perdus.

 

L’objectif de notre projet était donc double : d’une part, fiabiliser ce système de signature électronique, et d’autre part accompagner les utilisateurs internes de la Métropole afin de ne pas les laisser seuls face à une technologie que la plupart d’entre eux ne maîtrisent pas forcement.

 

Ainsi, nous avons décidé d’intégrer plusieurs outils. Nous sommes partis de notre système de GED, sur lequel sont déposés les documents des marchés auquel nous avons connecté le parapheur électronique. Tous les documents qui doivent être signés (ex : l’acte d’engagement) sont ainsi déposés dans la GED. L’utilisateur déclenche manuellement l’envoi en signature. Le choix du circuit de signature électronique sur le parapheur est fait automatiquement via un script basé sur les données du marché (montant, délégation de rattachement …). Une fois que le document est signé, il revient automatiquement dans la GED. Ceci nous permet de s’assurer que tous les documents signés sont correctement récupérés depuis le parapheur électronique (rappelons que cet outil, comme un parapheur papier ne stocke pas les documents, une fois signés et récupérés, les documents signés sont supprimés) et pourrons être archivés dans un système d’archivage électronique dans le futur.

 

Il restait une étape à automatiser : la vérification des signatures électroniques (bon type de signature avec des certificats qualifiés - pas de signatures « simplifiées » par exemple) et la génération du bordereau de vérification (demandé par certains organismes publics et que nous souhaitons joindre aux documents signés dans notre système d’archivage électronique).

 

Dans un premier temps l’interface web de chorus vérification de signature a été utilisée par les utilisateurs de façon manuelle. Cependant cette action ne présente qu’une tâche supplémentaire « rébarbative » et sans valeur ajoutée pour les utilisateurs.

 

Et c’est là qu’interviennent les API proposées par l’AIFE sur la plateforme PISTE de vérification automatique de signature électronique que nous avons découvertes, un peu par hasard je dois bien l’avouer, et que nous avons décidé d’utiliser et d’intégrer à nos systèmes, car elles correspondaient parfaitement à notre besoin.

 

AIFE : « Concrètement, comment cela se déroule-t-il ?»

Séverine Derlot : « Concrètement, nous avons développé un automatisme, qui prend tous les documents signés électroniquement, qui sont donc tous centralisés dans notre GED, et les envoie sur les API PISTE. La vérification se déroule et le bordereau de vérification nous revient, généré automatiquement par l’API de l’AIFE. Ce qui fait que pour chacun des documents signés électroniquement, nous avons un bordereau de vérification associé, qui nous indique deux informations : que le document est bien signé, et que le niveau de signature est correct. Cela nous permet de s’assurer que 100% de nos documents sont signés électroniquement et de façon correcte. Et cela nous permet aussi de respecter la réglementation en matière d’archivage électronique puisque nous pouvons archiver de manière conjointe les documents signés et leurs bordereaux de vérification. »

 

AIFE : « Depuis quand avez-vous démarré votre phase de test de cet outil et quel est le pourcentage de signatures invalides détectées par l’API qu’il faut refaire ? »

Séverine Derlot : « Cela fait un an que nous avons proposé ce système « GED – parapheur – vérification automatique de la signature électronique », sur la base du volontariat, afin de le tester. Après cette phase qui nous a pleinement satisfaites, nous avons décidé tout récemment, depuis début novembre 2023, d’imposer ce système à tous nos agents concernés. C’est pourquoi nous n’avons pas encore beaucoup de recul. Néanmoins, après quelques semaines d’utilisation, nous avons constaté que sur 175 documents signés depuis début novembre, 3 présentent une anomalie (qui est en fait un mauvais niveau de signature).

 

AIFE : « Quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées lors de la mise en place de ce nouveau système »

Séverine Derlot : « La réponse est dans la question ! C’est un nouveau système, mais c’est surtout un nouveau process, donc la principale difficulté a été classiquement la conduite du changement des utilisateurs qui avaient pour certains l’habitude d’aller directement sur le parapheur électronique ou papier. Donc, par exemple, il a fallu interdire la signature papier et l’accès direct au parapheur électronique, non couplé avec notre système de GED. Le métier de nos utilisateurs, c’est de piloter les marchés publics. Avec l’utilisation du parapheur « en direct », on leur demandait de vérifier que les documents du marché étaient bien signés électroniquement, intégrés ou détachés, prioritairement au format PadES plutôt que XadES, et avec un certificat qualifié ! Il y a donc de quoi les perdre et cela génère pour eux beaucoup de stress, car le risque en cas d’erreur est un rejet du marché public. D’où la nécessité d’automatiser et de fiabiliser au maximum cette phase de vérification. Cette solution est donc in fine un soulagement pour les agents qui n’ont plus à se préoccuper de ces questions. Mais pour que cela fonctionne, il faut imposer l’utilisation d’une GED, ce qui les oblige désormais à catégoriser les documents en amont, et ce qui est une charge nouvelle pour eux. Pour les entreprises titulaires des marchés, la problématique est la même, car ils ne comprennent pas toujours les contraintes imposées en termes de signature électronique, même si elles sont parfaitement expliquées dans les documents des marchés, et signent parfois avec des formats non valides voire sans certificat…

 

AIFE : « En conclusion je crois que vous mettez votre service à disponibilité d’autres collectivités : lesquelles et comment cela s’organise-t-il ?

Séverine Derlot : « Avec l’aide de l’AIFE nous avons présenté à Libriciel notre façon d’exploiter les API PISTE afin de procéder à la vérification de signature. Libriciel s’est montré très intéressé et étudie la possibilité d’intégrer de façon centralisée les API PISTE à leur parapheur électronique. Ainsi d’autres collectivités devraient pouvoir, dans le futur, profiter de cette automatisation. Les modalités et le calendrier restent toutefois à confirmer par Libriciel. »

Témoignage de Christiaan Van Der Valk - VP Strategy and Regulatory, SOVOS

 

AIFE : « Pouvez-vous présenter vos diverses responsabilités en lien avec le sujet de la facturation électronique ? »

Christiaan Van Der Valk : Au sein de Sovos, je suis responsable de la stratégie pour nos solutions dans le domaine de la « tax technology » (technologie fiscale) et ses aspects réglementaires. Sovos est un éditeur de logiciels spécialisé dans la transformation numérique et la conformité de la fiscalité. Nous sommes présents dans de nombreux pays dans le monde et un des leaders de la facturation électronique, notamment en Amérique latine et en Europe. Sovos est candidat PDP en France dans le cadre de l’obligation de facturation électronique interentreprises.

Au-delà de Sovos, j’ai aussi de nombreuses fonctions et responsabilités au sein de diverses organisations. Je fais notamment partie des créateurs - il y a une douzaine d’années - et je suis membre du comité exécutif, de l’association professionnelle européenne EESPA, qui représente les principaux éditeurs et opérateurs de dématérialisation en Europe. EESPA compte actuellement une centaine de membres. J’y suis également président du groupe de travail sur les politiques publiques et la conformité.

Pour en savoir plus : https://www.eespa.eu/work-groups/public-policy-and-compliance

 

AIFE : « La généralisation de la facturation électronique interentreprises a démarré il y a plus de 20 ans en Amérique du Sud, bien avant l’Europe. Aujourd’hui quels sont les grands modèles d’organisation de la généralisation de la facturation électronique dans le monde ? »

Christiaan Van Der Valk : Le sujet est complexe, car la notion même de facturation électronique n’est pas partout la même. Les premiers pays s’étant investis sur le sujet sont en effet les pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud. Mais leur préoccupation était uniquement fiscale (ce qu’on appelle dans la réforme en France le e-reporting), mais ils ne sont pas intéressés à l’échange automatisé des factures entre fournisseurs et acheteurs. Donc on ne peut pas réellement parler de facturation électronique, telle qu’on l’entend en Europe, car dans ces pays, les factures continuent majoritairement d’être des pièces jointes échangées par mail, ce qui ne se prête pas facilement à l’automatisation des processus métier ! Qui de plus est, ce qui domine en Amérique latine est le modèle dit « Clearance » qui est non seulement un modèle purement fiscal, mais aussi très interventionniste avec une administration fiscale qui contrôle et même approuve l’envoi des factures en temps réel, avant même que le fournisseur ne puisse l’envoyer à son client.

Si l’on suit la chronologie, le modèle suivant a émergé ensuite en 2014 en Turquie, ce qui est assez peu connu, avec un modèle complètement centralisé, où l’échange de la facture, non impacté par la législation en Amérique du Sud, est réalisé obligatoirement via la plateforme étatique. En Turquie il n’est pas possible d’échanger une facture entre un fournisseur et un client via un opérateur privé. Tout passe obligatoirement par leur plateforme publique de facturation. C’est ce qu’on appelle le modèle en « X » ou modèle centralisé. Et c’est véritablement ce modèle turc qui a ensuite inspiré d’autres pays européens, et en tout premier lieu l’Italie qui a perfectionné ce modèle en étendant leur plateforme initiale de facturation entre entreprises et secteur public (équivalent de l’actuel Chorus Pro français) qui existait précédemment.

Force est de constater que ce modèle totalement centralisé autour d’une plateforme publique, dit en X, reste à ce jour le modèle le plus répandu au sein des pays européens. C’est le cas par exemple de la Pologne ou de la Roumanie.

Ces logiques très étatiques, que ce soit en Amérique du Sud ou dans de nombreux pays européens, s’expliquent très simplement par le fait que le moteur initiateur de ces réformes est l’administration fiscale, dans un contexte et un but premier de lutte contre la fraude à la TVA.

En France, le premier objectif de la réforme de l’obligation de la facturation électronique interentreprises est le même, mais le modèle choisi pour la mettre en œuvre est un peu différent. Il s’agit du modèle dit « en Y », qui est en fait une extension du modèle en X, avec une plateforme publique de facturation (dite PPF), mais aussi, et c’est là qu’est la différence majeure avec le modèle en « X », la possibilité d’envoyer des factures via des opérateurs privés, les fameux PDP (Plateforme de Dématérialisation Partenaire) et non pas uniquement via la PPF.

Dernier modèle issu d’un objectif différent orienté vers les gains économiques de l’automatisation des flux de facturation électronique interentreprises et non vers des objectifs fiscaux, le modèle dit « 4 corners » dont Peppol est l’exemple le plus important. L’approche ici est totalement décentralisée et permet à chacun de se connecter à un opérateur (nommé « point d’accès ») unique de son choix, interconnecté avec les autres opérateurs. Ce modèle est surtout poussé par les pays asiatiques ainsi que dans les pays d’Europe du Nord.

La France se situe clairement entre ces deux modèles (en X et « 4 corners »), partageant à la fois des objectifs fiscaux et économiques.

 

 

AIFE : « Quel est pour vous le modèle idéal, le modèle d’avenir ? »

Christiaan Van Der Valk : Le modèle dit « 5 corners » ! Le modèle « 5 corners » est basé sur le modèle 4 corner (ex principal Peppol), décentralisé auquel on ajoute, puisqu’on a toutes les données pour le faire, le e-reporting auprès de l’administration fiscale par les points d’accès.

 

 

AIFE : « Vous parlez de Peppol comme d’un modèle idéal, pourtant, en dehors sans doute de l’Europe du Nord, Peppol n’a absolument percé à ce jour ? »

Christiaan Van Der Valk : Ces 20 dernières années, la facturation électronique interentreprises s’est principalement développée, sous l’impulsion des administrations fiscales nationales, autour de plateformes étatiques – soit pour du e-reporting avec « clearance », soit allant plus loin en mettant l’administration fiscale au milieu des flux interentreprises. C’est la raison pour laquelle Peppol n’a pas vraiment percé, car ce modèle ne répond pas en premier lieu à l’objectif premier de lutte contre la fraude fiscale. Dans les pays où des modèles en X (comme l’Italie) ou en Y (comme la France), le modèle ne devrait pas en effet changer de façon majeure. C’est trop tard. Mais je pense toutefois que la révolution Peppol en Europe vient juste de commencer certains pays ne voulant pas que chacun des 27 pays gère son propre modèle, sa propre plateforme. La Belgique, l’Allemagne et l’Espagne vont probablement commencer avec un modèle décentralisé suivant ou fortement inspiré par le modèle Peppol. Mais dans la réalité, je pense que l’avenir sera hybride avec Peppol permettant de faire le lien entre les différents modèles, les différentes plateformes de chaque pays, voire au sein d’un pays, par exemple pour faciliter l’interopérabilité entre les PDP (Plateformes de Dématérialisation Partenaire) en France.

 

 

AIFE : « A-t-on des chiffres sur le taux de facturation électronique moyen dans le monde ou en Europe, ainsi que du nombre de factures traitées au total ? »

Christiaan Van Der Valk : Il existe bien entendu des études, des chiffres. Mais la grande difficulté est que d’un pays à l’autre, d’une région du monde, la définition même de la notion de facturation électronique n’est pas du tout la même. Il est donc très compliqué, voire impossible, de donner une vision chiffrée objective. Néanmoins, les études les plus sérieuses, issues principalement du cabinet Billentis, spécialisé dans ce domaine, estiment qu’il y a environ 200 milliards de factures échangées dans le monde par an, dont environ 40 milliards en Europe.

Autre chiffre, moins de 20% des factures échangées en Europe seraient aujourd’hui en format électronique. 80% seraient donc encore des factures papier. Si on enlève les pays nordiques et l’Italie qui sont bien plus avancés ou pour qui la facture électronique est déjà obligatoire, je pense qu’on tombe en dessous de 5% en Europe.

Tous ces chiffres, qui ne sont à prendre que comme des ordres de grandeur, montrent dans tous les cas clairement une chose : sans obligation réglementaire, la facture électronique ne se généralisera pas toute seule, à l’exception de quelques secteurs d’activités sous l’impulsion de grandes entreprises avec leurs fournisseurs.

 

 

AIFE : « Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est VIDA dont on entend de plus en plus parler ? C’est quoi, c’est pour quand et cela s’imposera à qui ? »

Christiaan Van Der Valk : VIDA (qui signifie « VAT - c’est-à-dire la TVA en anglais – in the Digital Age ») est un projet de la Commission européenne qui vise à modifier la directive sur la TVA dans le but de la moderniser et de mieux lutter contre la fraude à la TVA. Ce projet de directive a pour but de pousser les états membres à adopter la facturation électronique et le e-reporting, ce qui a déjà été lancé en France dans le cadre de l’obligation de facturation électronique interentreprises.

Il y a deux dates clés à retenir (et qui ne sont pas encore définitives) :

  • 2024 : préparation du projet avec ce que je qualifierai d’une libéralisation de la facturation électronique avec notamment la suppression de l’obligation pour les États membres de demander une dérogation à l’Europe pour la mise en place de la facturation électronique (ce que la France ou l’Italie par exemple ont dû faire) ;
  • 2028 : la date la plus importante, obligation des États membres d’avoir imposé la facture électronique dans toutes les transactions intracommunautaires (entre pays) avec un e-reporting associé vers son État membre. Il est possible que cet objectif soit repoussé à 2030 voire 2032, car rien n’est encore acté. La directive VIDA est encore à l’état de projet et les pays sont encore en pleine négociation.

Par contre, il est à noter que VIDA n’instaurera aucune obligation de facturation électronique interne à un pays de l’Union européenne, la Commission européenne n’en a tout simplement pas le pouvoir de l’imposer. Seules les transactions intracommunautaires seront concernées directement.

 

Mais VIDA introduit d’autres mesures très importantes et même assez radicales avec la définition nouvelle de la notion de facture qui devra être structurée. En d’autres termes, les factures au simple format PDF, qui doivent représenter 80% des factures électroniques aujourd’hui en Europe, ne seront plus reconnues comme un format valable de facture électronique ! Et ce changement va même plus loin, car la définition même d’une facture devrait devenir en 2028 par essence une facture électronique, donc structurée. Les Pays qui souhaiteront continuer à accepter des factures papier ou PDF devront donc légiférer pour les accepter, car la définition de base de la facture, au niveau européen, deviendra par défaut, une facture électronique structurée ! La Commission européenne souhaite donc siffler de fait la fin des factures PDF simple, mais de façon plus radicale la fin aussi des factures papier, du moins dans les échanges interentreprises (B to B) ou avec la sphère publique (B to G), les échanges dits B to C (entre entreprises et particuliers) n’étant pas concernées par cette réforme.

Témoignage de Marc Damane Expert en digital chez SYMTRAX

AIFE : pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Marc Damane : « Dès la fin de mes études d’ingénieur à Polytech Paris-Saclay il y a 25 ans, j’ai travaillé pour le secteur du numérique, d’abord quelques années dans le broadcasting et la radio IP, puis, depuis 2005, pour la société Symtrax pour laquelle je travaille encore aujourd’hui. Symtrax est un éditeur de logiciels français, basé à Nîmes, présent à l’international dans 8 pays, et dont le métier principal est d’accompagner les entreprises dans leur transformation numérique. Au départ, il y a plus de 30 ans, nous nous sommes spécialisés dans l'automatisation de la création aux formats numériques (principalement PDF) et la diffusion des documents sortants issus des systèmes IBM AS/400 et SAP, afin de simplifier et d'accélérer les processus documentaires. Notre savoir-faire consistait principalement  à dématérialiser les flux d'impressions en simplifiant la création graphique (ajout de code-barre, logos, insertion de messages marketing...) tout en permettant une intégration fluide dans les applications Microsoft Office (Word, Excel…). Peu à peu, notre intérêt grandissant pour un document essentiel aux entreprises, les factures, noua a conduit à élargir notre offre en proposant d'autres formats numériques tels que PDF/A, XML, ou encore l’EDI.

 

 

AIFE : ces 5 dernières années, vous vous êtes beaucoup investi sur Chorus Pro dont vous êtes devenu l’un des experts. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi et quelles sont aujourd’hui toutes vos activités autour de Chorus Pro ?

Marc Damane : « Depuis 2016 je me suis en effet beaucoup focalisé sur la facturation électronique afin d’avoir une expertise plus poussée dans ce domaine. C’est pourquoi nous avons regardé de très près ce que faisait l’AIFE avec Chorus Pro et avons beaucoup travaillé en interne afin de bien maîtriser les échanges que nous demandaient nos clients avec le portail public Chorus Pro.

Au fil du temps, je suis devenu référent sur la facturation électronique au sein de Symtrax ce qui m’a permis de participer à de nombreuses instances et initiatives diverses : travaux du FNFE (Forum National de la Facture électronique), participation active au club Chorus Pro lancé par l’AIFE, dont je suis l’un des coanimateurs du collège éditeurs et dont j’ai été l’un des représentants au cours du dernier IPM (Instance de Pilotage Mutualisé) l’an dernier. J’interviens aussi régulièrement, à travers des formations ou des présentations, au sein de chambres de commerce et d’industrie afin d’apporter auprès de PME et de TPE l’expérience et l’expertise que j’ai pu accumuler sur la facturation électronique et tout particulièrement sur Chorus Pro. Cela était très important pour nous, pour moi, d’être actif, d’être force de proposition sur tous ces sujets et pas seulement de bien les maîtriser. C’est notamment l’opportunité que nous a donné l’AIFE à travers son initiative du club utilisateurs Chorus Pro. »

 

 

AIFE : justement, fort de votre expertise de terrain et votre recul sur le sujet, quel est aujourd’hui votre regard, votre bilan de Chorus Pro, qui fonctionne pleinement depuis plus de 3 ans aujourd’hui ?

Marc Damane : « Je dirais que la méfiance est toujours là, pour ceux qui découvrent le sujet. Et tant que la facturation électronique interentreprises ne sera pas généralisée, il y aura toujours de nouveaux utilisateurs de Chorus Pro qui découvrent le portail et la facturation électronique. Mais aujourd’hui, je côtoie aussi des entreprises qui sont utilisatrices de Chorus Pro depuis plusieurs années désormais, et qui m’expliquent textuellement que « Chorus Pro leur a changé la vie » ! En positif évidemment, avec une accélération et une fiabilisation des processus de facturation auprès de leurs clients publics. Je vois beaucoup de TPE et de PME, utilisatrices aguerries de Chorus Pro, qui ont « digéré » ce qu’ils avaient au départ perçu avec méfiance, de par notamment l’obligation qui leur était imposée de passer par Chorus Pro. Ils ont surtout vu concrètement les avantages réels que leur procure le système. En résumé, beaucoup d’entreprises qui prenaient au départ Chorus Pro comme un fardeau en voit les bénéfices réels aujourd’hui pour eux. »

 

 

AIFE : et demain, avec l’arrivée de la facturation électronique interentreprises, quel est votre regard ?

Marc Damane : « Je pense qu’il faut vraiment capitaliser sur le retour d’expérience de Chorus Pro et les atouts qu’apporte la facturation électronique et qu’a parfaitement démontré Chorus Pro, afin que les entreprises ne voient pas cela une nouvelle fois comme un fardeau qui leur est imposé, mais bien comme une opportunité qui va améliorer leur vie. Le risque, pour les TPE surtout, est qu’elles subissent la facturation électronique comme une contrainte qui leur est imposée, et par manque d’implication en amont, n’en voient pas assez rapidement les bénéfices qu’elles vont pouvoir en tirer au final.

On a d’ailleurs déjà vu ce phénomène d’accélération de la maturité numérique des entreprises avec la crise sanitaire du covid qui a aussi eu cet impact. Aujourd’hui, après cette crise sanitaire, les entreprises sont tout de même moins méfiantes vis-à-vis du numérique qu’elles ne l’étaient en 2017 au démarrage de Chorus Pro. Et cela doit tout de même quelque peu rassurant. »

AIFE : Symtrax a fait le choix, dans le cadre de la facturation électronique interentreprises de rester opérateur de dématérialisation (OD) et de ne pas candidater en tant que PDP (Plateforme de dématérialisation Partenaire). Pourquoi ? Comment pourra se positionner un OD entre la PPF, la plateforme publique de facturation, et les PDP ?

Marc Damane : « Tout d'abord, il est important de souligner qu'à ce jour, seuls les opérateurs de dématérialisation  existent, parmi lesquels certains choisiront de candidater pour proposer des services en tant que PDP. Ensuite, il est essentiel de  préciser que le passage par une PDP n'est en aucun cas obligatoire dans le cadre de la prochaine réforme. Une entreprise pourra donc tout à fait se connecter directement au futur Portail Public de Facturation (PPF) ou passer par un opérateur de dématérialisation (OD) qui lui proposera un raccordement automatique au PPF en réception et en émission ainsi que des services à valeur ajoutée. Un enjeu majeur pour les entreprises est de pouvoir anticiper cette réforme, notre ambition est donc d'aider nos clients dans leur préparation afin de respecter les échéances à venir. Pour répondre aux besoins de nos clients de manière flexible et adaptée, notre positionnement est très clair, nous continuerons à proposer notre offre de service en tant qu'opérateur de dématérialisation (OD).

Il est  à noter que Syntrax souhaite se réserver le droit de candidater auprès de l'administration en tant que PDP, sans pour  autant se précipiter et tout en veillant à ne pas compromettre notre cœur de métier qui est celui d'accompagner les entreprises dans leur transformation numérique.

L’essentiel au final est surtout que chaque entreprise puisse avoir la liberté de choisir le schéma qui lui convient. Dans certains cas ce schéma l’entraînera à faire appel aux services d’une PDP, mais dans d’autres cas le recours à un OD sera amplement suffisant. Tout dépend du schéma d’organisation et de services que souhaite mettre en place l’entreprise.

Au final l’ensemble des acteurs, opérateurs de dématérialisation comme PDP, devront tous interopérer, et seront donc en coopétition, à la fois concurrents et partenaire selon les cas. Cette réforme de la facturation électronique va obliger tous les acteurs à travailler dans cette logique de coopétition ce qui est sain pour le marché et les clients.

Témoignage Cyrille Sautereau,Président du FNFE

 

Publié le 28/03/2023

AIFE : pouvez-vous nous présenter le FNFE-MPE ?

Cyrille Sautereau : Le Forum National de la Facture Électronique (FNFE) a été créé début 2012 en application de la décision de la Commission européenne de 2010 de créer un forum européen sur la facturation électronique, relayé par des forums nationaux dans chaque État Membre. Deux ans plus tard, la Commission européenne décide de créer un second Forum européen centré sur l’e-procurement public. La France décide toutefois de de ne constituer qu’un seul Forum traitant à la fois des sujets e-procurement et de facture électronique. Le FNFE devient alors le FNFE-MPE (Forum National de la Facture Électronique et des Marchés Publics Électroniques).

 

En 2015 j’en deviens le président et nous nous rapprochons alors du Forum Allemand (FERD) qui développe un concept de facture hybride (ZugFerd) similaire à ce qui se faisait en France. De ces travaux communs émergera le format Factur-X.

 

Pour accompagner le développement de la facturation électronique en France, le FNFE-MPE, qui était jusque-là une structure informelle, sans existence juridique, se constitue alors en association au printemps 2016. Il se veut un lieu d’échange, de partage d’expérience et de bonnes pratiques, d’observation, de normalisation et de concertation ouvert à toutes les parties prenantes : des entreprises utilisatrices, des associations, des ordres ou syndicats professionnels, des prestataires de services ou de solutions, et des services de l’État comme la DGE, la DGFIP ou l’AIFE par exemple.

 

 

AIFE : quelles sont aujourd’hui vos membres et vos missions ?

Aujourd’hui le FNFE a pour mission principale d’accompagner le déploiement de la facture électronique en France, en relation avec les autres forums européens et travaux de normalisation. Il compte aujourd’hui plus de 180 membres, dont une trentaine de groupements sectoriels ou de fédérations professionnelles qui représentent des milliers d’entreprises, des experts et entités de conseil et intégration, et environ 120 offreurs de solutions (éditeurs ou opérateurs).

 

AIFE : et vous-même ?

Cyrille Sautereau : À titre plus personnel, j’ai une expérience très longue de ce sujet, depuis la fin des années 90, avec notamment la création d’un des premiers opérateurs de facturation électronique dans les années 2000 et une implication très tôt dans les travaux européens. J’ai aujourd’hui une activité de conseil sur tout ce qui touche aux processus achat / vente de la commande au règlement, et je continue aussi de soutenir activement différents acteurs de la facturation électronique en France sur les aspects normatifs, d’approche stratégique et de préparation à la réforme en France notamment.

 

 

AIFE : avant d’évoquer le développement de la facturation électronique interentreprises, revenons sur Chorus Pro qui a fini d’être déployé en 2020. Quel est aujourd’hui votre bilan, 3 ans plus tard ?

Cyrille Sautereau : Le bilan de Chorus Pro pour moi est très positif. Tout d’abord sur la méthode, basée sur la concertation, le FNFE ayant été très impliqué sur son déploiement et ayant pu collaborer de manière efficace avec l’AIFE. Autre point fort, l’ampleur de Chorus Pro, même s’il est limité pour l’instant au B2G (facturation avec la sphère publique). L’expérience acquise de Chorus Pro va être très utile pour réussir le déploiement de la facturation électronique B2B (interentreprises) dans ces prochains mois, même s’il existe tout de même un contexte assez différent à la fois dans les usages, dans les normes et messages utilisés et dans le périmètre fonctionnel avec le volet e-reporting. Par ailleurs, je trouve qu’on n’a pas toujours assez conscience en France que l’ampleur du seul déploiement de Chorus Pro, avec 74 millions de factures traitées en 2022, 1 million d’entreprises embarquées, est assez unique en Europe. A titre d’illustration, les pays du Nord de l’Europe, comme le Danemark, la Norvège ou la Suède, où la facturation électronique B2B / B2G est très développée en pourcentage de pénétration, ont un volume de factures électroniques et d’entreprises embarquées tout à fait comparable à ce qui se fait en France sur le seul périmètre B2G (secteur public), de par la taille économique plus petite de leurs pays.

 

 

AIFE : un mot sur la participation du FNFE à la gouvernance de Chorus Pro (IPM) et à la démarche de concertation avec les entreprises dès le début de l’AIFE ?

Cyrille Sautereau : La démarche collaborative de la gouvernance, à travers l’IPM, l’Instance de Pilotage Mutualisé, dont le FNFE est l’un des membres est à saluer, même si je considère qu’elle est encore parfois trop dominée par les besoins des entités publiques et non des entreprises, et même si la situation s’est toutefois améliorée en 2022 lors du dernier IPM avec la présence en plus de l’IPM du club Chorus Pro pour représenter les entreprises.

 

 

AIFE : au-delà de Chorus Pro, quel est le niveau d’usage la facturation électronique entre entreprises en France avant même la mise en œuvre à venir de l’obligation ?

Cyrille Sautereau : Cela fait en effet 30 ans que la facturation électronique existe, principalement intra sectorielle (automobile, aéronautique, grande distribution…), au début sous forme d’EDI (Échange de Données Informatisé) direct, puis, depuis le début des années 2000, à travers des plates-formes de facturation électronique, généralistes ou sectorielles. Il est compliqué de répondre en termes de chiffres précis à cette question. Au niveau européen, on estime toutefois qu’on se situe un peu au-delà de 15% de factures électroniques structurées. La France se situant dans la moyenne européenne, ce chiffre de 15% est une bonne estimation de la situation actuelle. Mais ce chiffre ne peut mécaniquement guerre croître, peut-être à 20 ou 25% maximum, car il est basé exclusivement sur des échanges EDI, qui sont intrinsèquement limités aux flux concentrés souvent appelés par les grandes entreprises qui échangent beaucoup de factures au sein de leur secteur avec leurs fournisseurs. À côté de ceci, la pratique d’une facture électronique au format PDF s’est aussi développée, avec de l’ordre de 25 % des flux, mais une faible intégration et automatisation du fait de l’absence de données fiables et directement exploitables. Il y a aussi une prolifération de Portails acheteurs ou vendeurs qui obligent les entreprises à venir les y chercher ou à les y déposer avec souvent une saisie ou validation manuelles des données de facture permettant un traitement intégré. Seule l’obligation qui impose une façon unique d’échange des factures pour tous pouvait permettre la généralisation de la facturation électronique en France en quelques années et avec un bénéfice partagé et un alignement des pratiques, face aux 30 dernières années qui nous ont amenés à la situation actuelle.

 

 

AIFE : est-ce que cet existant, certes limité à 15 ou 20% des échanges en factures structurées, mais qui représente tout de même plusieurs centaines de millions de factures, est l’une des raisons du choix par la France du fameux modèle en Y (mettre lien sur ancien article l’expliquant) pour la généralisation de la facturation électronique interentreprises ?

Cyrille Sautereau : Nous avons en effet, tant au sein du FNFE qu’avec les grands syndicats patronaux, beaucoup milité pour que la réforme de la facturation électronique n’oblige pas à migrer tout ce qui existe, et fonctionne parfaitement, dans un schéma différent. Ces systèmes sont complexes, sont sensibles, avec beaucoup de données. On voit d’ailleurs qu’en Italie, qui a fait le choix d’un système centralisé avec un format unique de facture, cela conduit à faire coexister des échanges EDI historiques avec des flux réglementaires centralisés, avec les conséquences de désynchronisation entre la gestion opérationnelle et la gestion réglementaire. Le choix de l’administration française de ce modèle en Y est clairement à mes yeux meilleur et plus adapté à la réalité des entreprises. Il est d’ailleurs intéressant de constater que c’est plutôt ce modèle décentralisé dans les échanges de factures qui a été retenu au niveau de l’Union européenne avec le projet de Directive en cours de discussion. Ce modèle en Y a aussi un autre atout essentiel, celui de permettre que l’écosystème qui accompagne ce secteur puisse continuer de se développer, en adressant notamment les spécificités de divers secteurs et écosystèmes. Il doit aussi savoir rester souple et donc permettre à la fois un cœur de données à échanger strict et uniforme tout en laissant une certaine flexibilité pour adresser la richesse d’information que les entreprises ont l’habitude de partager au travers des flux de factures, ce qui est la force du format Factur-X (voir ci-après)

 

 

AIFE : vous être très présent dans les instances européennes, et vous avez donc un regard privilégié sur ce qui se fait ailleurs. Pouvez-vous nous partager votre vision des différentes approches en Europe ?

Cyrille Sautereau : Globalement on peut distinguer 3 approches, en prenant bien soin de distinguer deux axes, celui de la facture électronique, et celui du e-reporting :

  • Les pays qui sont sur des schémas plutôt centralisés comme l’Italie, la Pologne (dont la réforme vient d’être décalée de quelques mois) et la Roumanie ;
  • Les pays qui ont démarré d’abord avec le e-reporting et sont moins avancés sur la facture électronique comme l’Espagne, le Portugal, la Hongrie et l’Allemagne qui y réfléchit également. On peut aussi citer la Grèce qui est un peu particulière, car elle est sur un niveau de e-reporting beaucoup plus fin, qui se rapproche quasiment du FEC (Fichier des écritures comptables) français, mais en quasi-temps réel ;
  • Les pays du nord de l’Europe qui sont dans une culture différente et ne sont pas dans la logique d’une quelconque obligation pour déployer la facture électronique. Ils l’ont développé depuis très longtemps et ils n’en ont pas besoin.

La France a une approche hybride, à la fois décentralisée pour l’organisation des échanges de factures au travers de plateformes immatriculées (les PDP), mais gouvernée de façon centralisée avec le Portail Public de Facturation (Chorus Pro étendu au B2B) qui est aussi une plateforme d’échange, inspirée de ce qui existe au Mexique par exemple, sans oublier l’intégration du périmètre e-reporting en même temps. Tout ceci fait que la France est assez observée en Union européenne, par les pays qui se préparent au même type de réforme et pour l’alignement européen attendu pour 2028.

 

 

AIFE : un mot sur le format Factur-X dont le FNFE est le grand promoteur ? À qui s’adresse-t-il ?

Cyrille Sautereau : Le format Factur-X a été imaginé pour répondre en priorité aux besoins de PME et des TPE, l’EDI leur étant peu adapté et nécessitant des outils assez spécifiques. Factur-X est à la fois adapté aux besoins des PME/TPE et à leur capacité de faire. Ce format hybride est en quelque sorte le meilleur des deux modes : une facture lisible qu’on peut regarder, comme un simple PDF, et des données structurées de facture pour que les ordinateurs puissent les traiter automatiquement. Ce format se développe aujourd’hui considérablement en France, et est au cœur de la réforme. C’est moins le cas en Europe, notamment dans les instances normatives, où beaucoup souhaiteraient qu’on passe directement à un monde de factures structurées complet, ce qui nous semble au FNFE, totalement déconnecté de la réalité des entreprises dans un contexte d’obligation de faire rapidement.

Témoignage d’Emmanuelle Charrier, responsable service administratif, OPSIA

Publié le 31/01/2023

AIFE : pouvez-vous nous présenter OPSIA et votre rôle au sein de votre société ?

E. Charrier : OPSIA associe 3 entreprises spécialisées dans les domaines de la mesure, de la topographie, des études liées à l’aménagement du territoire et à leurs applications foncières et architecturales : une société de Géomètres Experts basée à Toulon et Marseille, un bureau d’études techniques et d’imagerie pour tout projet d’aménagement, une entreprise d’acquisition de données aériennes haute définition, photos et LiDAR, et enfin un GIE transverse en charge de l’administratif commun aux 3 sociétés, GIE dont je fais partie. Je suis pour ma part responsable du service administratif.

 

Notre chiffre est réalisé à plus de 95% par des clients professionnels, entreprises et entités publiques répartis à 60% d’administrations et 35% d’entreprises environ de notre activité des clients particuliers (par exemple pour du bornage de terrains)

 

AIFE : depuis quand utilisez-vous Chorus Pro chez OPSIA ?

E. Charrier : OPSIA est une PME de moins de 100 salariés donc nous étions soumis à l’obligation d’envoi de factures électroniques via Chorus Pro à nos clients publics à partir du 1er janvier 2019. Mais nous avons préféré ne pas attendre cette échéance et anticiper l’obligation. C’est pourquoi nous avons démarré avec Chorus Pro depuis septembre 2017 avec une montée en charge progressive comme nous n’étions pas encore soumis à l’obligation. Ce choix a été très utile pour avoir plus de temps pour s’approprier l’outil progressivement, compte tenu du nombre important de marchés publics qui est le nôtre (plus de 60% de nos clients professionnels). Au début nous avons démarré avec quelques petits clients publics, puis nous avons facturé un de nos grands clients, la Métropole Aix Marseille Provence, avant enfin de généraliser l’usage de Chorus Pro pour tous nos clients publics.

 

AIFE : comment est utilisé Chorus Pro chez OPSIA, par quels moyens émettez-vous vos factures à vos clients publics ?

E. Charrier : nous sommes aujourd’hui en mode portail complet sur toutes nos factures, ce qui représente près de 1500 factures déposées en 2022 sur Chorus Pro pour les 3 sociétés confondues.

 

AIFE : vous faites beaucoup de marchés de travaux. Cela a été et reste le sujet le plus complexe au sein de Chorus Pro. Quel est votre regard sur ce sujet particulier ?

E. Charrier : cela reste en effet assez complexe, notamment en termes de validation. Nous nous sommes d’ailleurs organisés pour qu’à notre niveau les validations soient réalisées au niveau du service administratif que je dirige, pour être certains qu’elles soient bien faites dans les temps.

Mais c’est d’abord la grande complexité du processus de marché de travaux publics lui-même, autant que celle de l’outil Chorus Pro, qui est en question ici. Il y a toujours des maîtres d’œuvre qui ne font pas bien leur travail ou des structures publiques comme des entreprises qui ont du mal à changer leurs habitudes et ne connaissent pas, par exemple, la gestion des cotraitants et des sous-traitants, pourtant parfaitement prévue et intégrée par le portail Chorus Pro. Il y a aussi quelques structures publiques qui ont encore des logiciels, probablement pas à jour, qui n’intègrent pas la remontée des statuts de Chorus Pro. Néanmoins ce type de problème, avec le temps, est de moins en moins fréquent et il est aussi généralement plus aisé aujourd’hui de contacter les clients publics en cas de problèmes.

 

Quant à l’outil Chorus Pro, nous avons vu une nette évolution positive de l’outil depuis 2018. Toutefois, il garde encore une marge d’amélioration, notamment en termes d’ergonomie, par exemple concernant la lisibilité de toutes les données dans les écrans pour les marchés de travaux et la gestion des documents déposés. Néanmoins, nos utilisateurs de Chorus Pro, qui ont aujourd’hui du recul et de l’expérience, maîtrisent bien l’outil, connaissent certaines astuces et sont globalement plutôt  satisfaits de l’outil. Ils ne s’en plaignent pas en tout cas !

 

AIFE : vous avez accepté de co-animer le collège fournisseurs du club Chorus Pro lancé par l’AIFE fin 2020. (lien : https://lab.chorus-pro.gouv.fr) puis de représenter ce même club au sein de l’Instance de Pilotage Mutualisé (IPM), l’instance de gouvernance des évolutions de Chorus Pro. Pour quelles raisons et avec quels objectifs ?

E. Charrier : le club m’apporte des informations utiles sur Chorus Pro, une visibilité sur les évolutions. Il me permet aussi de prendre un peu de recul sur l’usage de Chorus Pro et la facturation électronique et c’est toujours très utile et enrichissant dans mes fonctions.

 

AIFE : au final, quel est votre regard sur Chorus Pro

E. Charrier : Chorus Pro a clairement permis de simplifier et de fluidifier les échanges avec nos clients publics. Notre retour est donc tout à fait positif. Nous voyons aussi un aspect positif sur nos clients publics avec des process aujourd’hui identiques et globalement mieux respectés. Je pense et j’espère qu’il en sera de même demain avec nos clients privés avec l’obligation de facturation électronique interentreprises qui va progressivement arriver à partir de 2024 et s’appliquera donc d’ici 2026 à tout le monde.

 

Témoignage de Gilles DEVILLERS Ancien vice-président du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice (CNCEJ)

Publié le 30/11/2022

AIFE : pouvez-vous nous présenter le Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice : ses membres, son organisation, ses missions ?

Gilles Devillers : Les experts sont organisés en associations régionales, par cours, et, au niveau national, dans des organisations thématiques comme les architectes, les géomètres, les spécialistes du bâtiment… Sous la forme d’une fédération d’associations, le Conseil regroupe ainsi plus de 10.000 des 14.000 experts de Justice inscrits sur les listes des Cours judiciaires et administratives qu’il représente devant les instances centrales et en premier lieu la Chancellerie et le Conseil d’État. Il y défend leurs intérêts, tant généraux que spécifiques, organise leur formation et gère un annuaire national, au service de ses membres et de la Justice.

 

AIFE : quel est votre rôle en son sein ?

Gilles Devillers : J’étais, jusqu’à très récemment, vice-président du Conseil National ; à ce titre je participais activement à son administration générale. J’ai conservé la possibilité de faire entendre la voix des experts de Justice au sein du club Chorus Pro. Personnellement je suis un expert en informatique, agréé par la Cour de cassation. J’exerce depuis une vingtaine d’années, presque exclusivement dans le domaine pénal et je suis particulièrement investi dans le monde associatif des experts en particulier dans la formation à la pratique de l’expertise pénale.

 

AIFE : les experts de justice sont des utilisateurs particuliers de Chorus Pro. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Gilles Devillers : En effet ! Les experts de justice ont été soumis à la dématérialisation de leurs mémoires de frais bien avant tous les autres fournisseurs de la sphère publique, dès 2012 avec l’application « frais de justice » qui n’était pas encore Chorus Pro. Seuls ceux qui sont désignés dans les procédures pénales ; typiquement par des juges d’instruction et des enquêteurs, sont rémunérés par les frais de Justice. On peut citer : les biologistes, les médecins légistes, les psychologues, certains informaticiens, les traducteurs- interprètes... Beaucoup d’experts sont désignés essentiellement par les juridictions civiles et administratives et n’auront donc jamais affaire à Chorus Pro ou alors à l’occasion d’une mission exceptionnelle, ce qui peut rendre leur relation avec l’outil un peu plus complexe. Par rapport à la plupart des autres fournisseurs de la sphère publique, les experts de Justice ne sont pas des professionnels et, en dehors de quelques cas particuliers, ils exécutent des expertises parallèlement à leur activité principale.

AIFE : qu’en est-il du niveau de satisfaction, de l’usage de Chorus Pro par les experts de justice et des éventuels problèmes qui subsistent ?

Gilles Devillers : Au départ, il y a déjà 10 ans, il y a eu quelques récriminations des experts qui considéraient que l’État transférait sur eux une charge administrative qui lui incombait. Mais le système précédent était tellement peu efficient que l’application « frais de Justice » (le nom de l’outil à l’époque) a finalement entraîné rapidement l’adhésion de la majorité des experts. Le paiement, même s’il était toujours loin d’être pleinement efficient, s’est très largement amélioré grâce à la mise en œuvre de la dématérialisation des mémoires de frais de justice. En 2012, la grande difficulté a surtout été de traiter tous les mémoires antérieurs, d’autant plus importante que pour beaucoup de tribunaux, la gestion des mémoires de frais n’est pas une priorité, ce qui reste malheureusement encore largement vrai aujourd’hui.

Aujourd’hui, le paiement des frais de Justice, avec Chorus Pro, est devenu un système fonctionnel qui n’appelle guère de critiques. Le problème principal des experts pénalistes est lié aux retards de paiement dus à l’épuisement des lignes budgétaires associées et en aucun cas à l’outil lui-même.

La principale critique reste aujourd’hui le rejet de mémoires par les services administratifs ; trop fréquent, trop facile, notamment avec un motif « autre » sans aucune explication. Comme il n’est pas possible d’identifier le fonctionnaire qui en est à l’origine, l’expert de justice n’a plus qu’à ressaisir le même mémoire que celui qui a été rejeté, qui sera généralement validé sans difficulté.

Pour le reste, il subsistait marginalement une différence de statut entre des mémoires vus sur l’interface de l’expert et vus du ministère de la Justice. Mais depuis plusieurs mois je n’ai quasiment plus de remontée de la part de nos membres sur ce type de problème. Cela devient extrêmement rare.

En fait, dans la très grande majorité des cas, Chorus Pro fonctionne très bien aujourd’hui.

 

AIFE : vous avez accepté de co-animer le collège "tiers institutionnels" du club Chorus Pro lancé par l’AIFE fin 2020. Pour quelles raisons et avec quels objectifs ?

Nous avons en effet activement participé aux travaux du club Chorus Pro, notamment pour être partie prenante du processus de demandes d’amélioration en matière de gestion des rejets, premier sujet sur lequel nous avons travaillé concrètement au sein du club. Nous attendons donc avec impatience et un très grand intérêt ces évolutions, qui viennent d’être acceptées et votées au tout récent IPM (Instance de Pilotage Mutualisé) qui s’est tenu mi-octobre. Il ne faut plus, à terme, qu’il puisse y avoir des rejets « autres » non justifiés, non expliqués par les services des frais de Justice.

 

AIFE : un mot de conclusion ?

Gilles Devillers : En conclusion, et encore une fois, il est important de bien distinguer l’outil Chorus Pro, qui donne toute satisfaction aux experts pratiquants habituels de la matière pénale, même s’il rebute un peu ceux qui ne l’utilisent qu’exceptionnellement et les problèmes inhérents au budget de la Justice, à l’origine des décalages de paiement ; les experts savent pertinemment que Chorus Pro n’y est pour rien !

 

Témoignage de Stéphane PASTOR Chef de projet Commande Publique Grand Enov+

Publié le 22/09/2022
AIFE : Pouvez-vous nous présenter le programme « Commande Publique Grand Est » : ses missions, son financement et votre rôle en son sein ?

Stéphane Pastor : Grand E-Nov+ est l’agence d’innovation et de prospection internationale du Grand Est, née sous l’impulsion et avec le soutien de la Région Grand Est et de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Grand Est.

L’agence contribue au développement et au rayonnement de la région Grand Est en France comme à l’international, en guidant les entreprises et les territoires dans leurs projets de transformation et d’innovation comme d’implantation d’entreprises.

L’agence pilote également Scal’Enov, programme d’accélération de start-up pour les accompagner vers leur premier million d’euros de chiffre d’affaires.

Enfin, deux autres programmes, Grand Testeur et Commande Publique Grand Est viennent compléter les missions de Grand Enov+.

Grand Testeur a été conçu pour faciliter la collaboration entre collectivités d’une part et entreprises innovantes du Grand Est d’autre part, par le biais de l’expérimentation.

Enfin, Grand Enov+ coordonne et anime le « Réseau Commande Publique Grand Est » (www.commandepublique-grandest.fr), dont la mission est d’accompagner les entreprises et les acheteurs publics sur tous les aspects de la commande publique. Ce réseau regroupe de nombreux partenaires : l’Etat, la région Grand Est, la CCI Grand Est, la CMA Grand Est, la CRESS, la Chambre d’Agriculture Grand Est, bpifrance, et les agences de développement économique du Grand Est ainsi que la Banque des Territoires.

 

AIFE : quelles ont été vos actions autour de Chorus Pro ?

S.Pastor : Le Réseau Commande Publique Grand Est a mis en place 18 « Points Infos Commande Publique» sur tout le territoire pour renseigner les entreprises et artisans sur tous les aspects de la commande publique. Chorus Pro est évidemment l’un de sujets qui y est traité. Nous organisons beaucoup d’évènements : webinaires, ateliers, séances de coaching, rencontres acheteurs… Concernant Chorus Pro, nous avons organisé de nombreux webinaires de prise en main de l’outil et nous continuons de le faire. Au cours de ces webinaires destinés aux entreprises, nous invitons souvent une collectivité qui explique son usage, sa mise en œuvre de Chorus Pro. Ce sont très majoritairement des TPEs, beaucoup d’entreprises artisanales qui assistent à ces webinaires. Depuis 2017, et jusqu’à la crise sanitaire nous organisions régulièrement des ateliers en présentiel pour sensibiliser les fournisseurs au dépôt de leurs factures sur Chorus Pro.

Autre activité autour de Chorus Pro, nous assurons le support technique de premier niveau auprès des entreprises de notre région à travers nos 18 Points Infos, qui sont autant de points d’entrée pour répondre aux problématiques liées à l’utilisation de l’outil. Nous avons, par exemple, accompagné récemment de nombreuses entreprises sur les problématiques de changement de gestionnaire. Lorsque nous sommes face à des questions trop pointues auxquelles nous ne pouvons répondre, nous accompagnons alors les entreprises dans leur sollicitation du support de l’AIFE.

Nous assurons ce qu’on peut qualifier de « support de premier niveau » sur Chorus Pro.

 

AIFE : quel est, au vu de votre expérience, votre regard sur les apports au sein des entreprises de Chorus Pro ?

S.Pastor : Au vu des centaines d’entreprises que nous avons accompagnées sur Chorus Pro, la vraie amélioration apportée par Chorus Pro porte sur les délais de paiement, et sur une plus grande fluidité du circuit de facturation.  Je connais beaucoup d’entreprises qui ont été réfractaires à l’arrivée de Chorus Pro car cela bouleversait leurs habitudes, leurs process. Mais ces mêmes entreprises, aujourd’hui, ne voudraient absolument plus faire marche arrière, car elles ont intégré le process Chorus Pro dans leurs méthodes de travail et qu’au final les délais de paiement de leurs factures à leurs clients publics se sont raccourcis.

 

AIFE : et les principales difficultés avec Chorus Pro et les points d’amélioration ? Est-ce les mêmes aujourd’hui qu’hier ?

S.Pastor : le sujet qui reste aujourd’hui le plus difficile est clairement l’ergonomie de la plateforme même si elle s’est améliorée. Pour les entreprises d’une certaine taille, ou qui sont matures sur le sujet du numérique, ces difficultés sont vite gommées. Mais pour certains artisans ou TPE déjà peu enclins au numérique de manière générale, pour qui se créer une adresse mail est déjà compliqué, Chorus Pro est un obstacle qu’ils pensent insurmontable. Ils ignorent parfois ce qu’est une facture PDF et comment en produire une. Pour eux, utiliser Chorus Pro reste une vraie difficulté. Il y a un vrai travail de fond, de terrain, à réaliser auprès de ce tissu d’entreprises de mise à niveau des compétences numériques. La problématique est bien plus large que le seul sujet Chorus Pro.

 

AIFE : vous êtes également très actif, au-delà de Chorus Pro, sur l’ensemble de la dématérialisation de la commande publique. Que faites-vous exactement et ce sujet est-il assez connu des entreprises ?

S.Pastor : La dématérialisation a effectivement révolutionné les pratiques de la commande publique, mais on peut dire que depuis 2018, la majorité des entreprises se sont approprié les nouveaux outils. Pour faciliter plus encore l’accès des PME et TPE à la commande publique, nous avons déployé la plateforme Apoge.org, qui est un agrégateur de marchés publics à l’échelle du Grand Est. On y retrouve l’ensemble des consultations publiées par les acheteurs publics du Grand Est mais aussi leurs prévisions de marchés. Aujourd’hui nous regardons évidemment de très près ce qui se fait au niveau national par la DAE, la DAJ et l’AIFE dans le cadre de la TNCP (avec Approch et PLACE notamment).

Enfin, nous avons aussi mis en place une Charte Régionale de la Commande Publique pour favoriser les bonnes pratiques des acheteurs publics et pour faire de la commande publique un outil de relance économique suite à la crise sanitaire.

 

AIFE : l’obligation de facturation électronique va s’étendre en 2024 à la facturation électronique B2B. Quel est votre regard sur le degré de connaissance des entreprises et de leur préparation à cette évolution ?

S.Pastor : la plupart des entreprises n’ont pas conscience de la réforme qui arrive et de son impact sur leurs process. Beaucoup pensent que 2026 ou même 2024, c’est encore loin et, comme pour Chorus Pro, beaucoup attendront le dernier moment, quand elles seront au pied du mur. La difficulté est de les faire mieux anticiper et prendre conscience qu’elles doivent se préparer dès aujourd’hui à cette révolution.

De plus, le principal écueil dépasse largement le seul sujet de facture électronique : c’est l’accès au numérique qui va poser problème pour les toutes petites entreprises qui n’ont parfois même pas d’outil informatique. Je pense par exemple à des maraîchers, à des petits producteurs qui vendent en circuit court. Certains établissent encore leurs factures sur une souche papier à la livraison et ne sont pas en capacité de délivrer une facture électronique. Je connais des fournisseurs de produits alimentaires qui ont arrêté de livrer des collèges à la mise en place de Chorus Pro car ils ne voulaient pas investir dans un outil informatique. Demain, cela ne sera plus possible avec la généralisation de la facturation électronique et c’est pour ces toutes petites entreprises, ces petits artisans, que va résider, selon moi, la principale difficulté. Il y aura un vrai rôle pour notre Réseau, pour les CCI, les CMA, mais aussi les experts-comptables qui devront aider les plus petites entreprises à franchir cette étape numérique.

 

AIFE : vous avez accepté de co-animer le collège "tiers institutionnels" du club Chorus Pro lancé par l’AIFE fin 2020, puis de représenter ce même club au sein de l’Instance de Pilotage Mutualisé (IPM), l’instance de gouvernance des évolutions de Chorus Pro. Pour quelles raisons et avec quels objectifs ?

S.Pastor : le sujet m’intéresse depuis le début. C’est très enrichissant d’échanger et d’être au cœur de l’instance de gouvernance et de relayer les difficultés des entreprises, de pouvoir modestement influer sur les prises de décision, afin de faire évoluer l’outil.

Au regard de tous les retours que j’ai dans ma position privilégiée d’observateur et de conseil aux entreprises sur Chorus Pro, je peux aussi apporter ainsi mon regard de terrain et être le porte-parole des utilisateurs.

Témoignage de Julien CESARO

Témoignage de Julien CESARO, responsable service client et logistique de Smith & Nephew, grande entreprise britannique, fournisseur de matériel médical et utilisateur Chorus Pro.

 

AIFE : pouvez-vous nous présenter Smith & Nephew et votre rôle ?
Julien Cesaro : en France nous sommes 250 salariés, avec principalement un réseau commercial et le support technique médical. Au niveau mondial, Smith & Nephew réalise 5 milliards de dollars Chiffre d’Affaires et compte 16 000 salariés, ce qui la classe comme l’une des plus grandes entreprises du domaine.

Nous utilisons Chorus Pro depuis son lancement, ayant de nombreux clients au sein de l’administration hospitalière. À titre plus personnel, j’ai rejoint assez récemment Smith & Nephew après avoir mis en place puis utilisé Chorus Pro au sein d’un autre très grand fournisseur de ce même secteur médical.

 

AIFE : comment est utilisé Chorus Pro chez Smith & Nephew ?

J.Cesaro : compte tenu de nos volumes importants de commandes (plus de 10 000 par mois), nous envoyons nos factures à Chorus Pro en EDI, via les services de l’un des grands opérateurs de dématérialisation du marché.

 

AIFE : vous avez personnellement plus de 5 années de recul sur l’utilisation de Chorus Pro. Pour vous qu’est-ce que Chorus Pro a changé le plus ?
J.Cesaro: Chorus Pro a fortement contribué à fluidifier les échanges entre les clients publics et les fournisseurs. Chorus Pro apporte, au-delà du service technique d’échange de factures, une garantie en étant un « tiers de confiance » entre clients et fournisseurs. Par exemple, la réception des factures et plus généralement toute la traçabilité permise par le service sont des éléments qui sont devenus incontournables, grâce à Chorus Pro. La relation avec nos clients s’en trouve donc grandement améliorée.

De plus, la facturation électronique permet une baisse des coûts et un gain de temps dans la transmission, ce qui contribue à diminuer les besoins en fonds de roulement et à renforcer notre compétitivité.

Enfin la facture électronique a aussi un impact environnemental positif en supprimant le besoin d’impression des papiers.

 

AIFE : vous avez accepté de co-animer le collège "fournisseurs" du club Chorus Pro lancé par l’AIFE fin 2020. (lien : https://lab.chorus-pro.gouv.fr) puis de représenter ce même club au sein de l’Instance de Pilotage Mutualisé (IPM), l’instance de gouvernance des évolutions de Chorus Pro. Pour quelles raisons et avec quels objectifs ?
J.Cesaro : même si Chorus Pro apporte déjà beaucoup aux entreprises, il est possible aller plus loin et d’améliorer encore la qualité de la relation entre clients et fournisseurs. C’est la raison de mon investissement personnel au sein du club Chorus Pro.

Le travail fait actuellement au sein de l’IPM sur l’amélioration de la gestion des rejets en est une parfaite illustration. La prochaine version de Chorus Pro introduira plus de flexibilité dans les échanges entre clients et fournisseurs quand une facture est jugée non conforme (mis en statut « rejeté » dans la plateforme) et une meilleure compréhension de la cause du rejet.

 

AIFE : l’obligation de facturation électronique va s’étendre en 2024 à vos clients privés à travers la facturation électronique B2B. Quels sont votre regard et votre degré de préparation à cette évolution ?
J.Cesaro : au sein de Smith & Nephew, la facturation auprès de clients privés et publics est à peu près équivalente. On a donc déjà fait en quelque sorte 50% du chemin avec Chorus Pro. L’objectif est d’avoir un seul process unique de facturation, quel que soit le client. La fluidification des échanges avec nos clients et tous les avantages que nous avons déjà constatés avec le secteur public grâce à Chorus Pro sera naturellement étendue à tous nos clients. Nous sommes donc tout à fait satisfaits de la mise en place de cette réforme et nous allons bien entendu continuer plus que jamais à fonctionner en EDI.

 

AIFE : l’obligation de facturation électroniqueB2B inclut aussi une nouvelle dimension, le e-reporting. Quel est votre regard sur le sujet ?
J.Cesaro : le e-reporting est pour moi un grand point positif de la réforme. Le passage à l’EDI permet de générer des données structurées et très détaillées par typologie de clients et de produits.

La collecte de ces données va pousser les entreprises qui ne l’ont pas encore fait à réfléchir à leur exploitation dans une approche de « big data ».

Illustration article - La parole aux utilisateurs

La parole aux utilisateurs

Immersion dans le nouveau portail de services : entretien avec une cheffe de projet à l’Agence pour l’Informatique Financière de l’Etat (AIFE) : Béatrice Chapuis

 

  • Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis cheffe de projet au sein de la division Chorus Pro de l’Agence pour l’Information Financière de l’Etat.

 

  • Quel est votre rôle dans le projet du portail de services Chorus Pro ?

J’ai participé à la conception et aux expérimentations du portail de services. Comme le nouveau portail de services reprend des données du Chorus Pro actuel, j’ai travaillé aussi sur toute la partie migration des données. Ce chantier a nécessité des répétitions sur différents environnements pour valider la qualité des données reprises.

J’ai aussi travaillé avec les autres divisions de l’Agence (Infrastructures, système d’Echanges, UX et qualité WEB, Support, Accompagnement, Recette et Intégration).  Ce travail collaboratif avec tous ces acteurs est très intéressant et enrichissant car chacun apporte sa compétence et contribue à la réussite du projet.

 

  • Pouvez-vous nous décrire l’origine du projet et pourquoi il a été mis en place ?

En 2020, à la suite d’une étude, nous avons constaté que la plateforme Chorus PRO nécessitait une maintenance trop importante. La solution a été la refonte de l’architecture de la plateforme. Celle-ci devait être plus robuste, plus résiliente et plus élastique pour améliorer la stabilité et envisager plus facilement des extensions de périmètres fonctionnels. C’est là que le nouveau portail de services Chorus Pro est né.

 

  • Quels sont les principaux bénéfices pour les utilisateurs ?

Le nouveau portail de services est plus ergonomique, l’accessibilité est facilitée. La connexion sur le portail offre l’accès aux différentes applications disponibles aux utilisateurs sans qu’il ne soit nécessaire de se reconnecter.

L’avantage de ce portail est d’être plus évolutif pour intégrer de nouvelles fonctionnalités tout en garantissant la disponibilité de la plateforme.

 

  • Quels sont vos conseils pour s’approprier plus rapidement ce nouveau portail ?

La navigation étant intuitive, il ne faut pas hésiter à aller dans les différentes pages pour découvrir les fonctionnalités. D’autre part, sur chaque page, à gauche, il est proposé un lien ‘Accéder à la documentation’, en cliquant sur le lien, une documentation dédiée à la page est disponible.

 

Illustration article - La parole aux utilisateurs

La parole aux utilisateurs

En cette fin d’année, Sandra H., responsable de pôle dans un centre de formation, nous livre son retour d’expérience sur Chorus Pro.

 

 

- Bonjour Sandra, Quels sont vos clients publics ?

 

Nous travaillons avec des collectivités territoriales.

 

- Comment avez-vous découvert Chorus Pro et depuis quand l'utilisez-vous ?

 

J’ai découvert Chorus Pro lors de ma prise de poste au début d’année 2021.

 

- Qu’est-ce qui vous a aidé à vous approprier Chorus Pro ?

 

C’est essentiellement la pratique qui m’a permis d’appréhender Chorus Pro, ainsi que les formations proposées par l’AIFE.

 

- Que vous ont apporté les classes virtuelles auxquelles vous avez participé ?

 

Les classes virtuelles m’ont permis de mieux comprendre le cycle de vie des factures, et de connaître la démarche pour traiter les factures rejetées par les clients publics.

 

- Quels sont les apports réels de Chorus Pro pour vous ?

 

J’utilise principalement l’outil pour me conformer aux dispositions du Code la Commande Publique, mais cela me permet également d’avoir une meilleure vision sur le suivi des factures.

 

- Quels conseils donneriez-vous à des utilisateurs débutants sur Chorus Pro ?

 

Les webinaires permettent de découvrir les fondamentaux et de se constituer de solides bases sur l’utilisation de Chorus Pro, je recommanderais donc aux débutants de les suivre avant de s’auto-former.

 

Illustration de l'article "La parole aux utilisateurs"

La parole aux utilisateurs

Sophie L, comptable en cabinet d’expertise comptable nous partage son expérience d’utilisation de Chorus Pro.

- Quels sont vos clients publics ?

Nous travaillons avec des communautés de communes, des mairies, des associations, des campings municipaux…

 

- Comment avez-vous découvert Chorus Pro et depuis quand l'utilisez-vous ?

J’ai connu Chorus Pro par le biais de ma famille qui travaille dans les services administratifs de plusieurs instituts de recherche. Ils m’ont sensibilisée au sujet depuis plusieurs mois.

 

- Qu’est-ce qui vous a aidé à vous approprier Chorus Pro ?

J’ai été sollicitée par mon employeur pour aider à envoyer les factures de nos différentes entités car je suis très à l’aise avec l’outil informatique. Partant de cette demande, je me suis investie pour maîtriser l’outil, avec en ligne de mire la future intégration de la facturation électronique pour le secteur privé.

 

- Que vous ont apporté les classes virtuelles auxquelles vous avez participé ?

La possibilité de poser des questions directement à un interlocuteur et d’accentuer les explications sur un point en particulier. Par ailleurs, le fait de pouvoir échanger sur différentes problématiques et de bénéficier de l’expérience des autres participants a été très appréciable. Il est plus aisé de discuter avec un nombre restreint de personnes que dans la « foule » des utilisateurs sur un webinaire.

 

- Quels sont les apports réels de Chorus Pro pour vous ?

Une plongée dans le futur car, une fois n’est pas coutume, l’administration a été pionnière dans la mise en place de la facturation électronique, et l’outil est à mon sens plutôt réussi ! Le secteur privé pourra suivre un process similaire pour mettre en place ce mode de transmission des factures. Les cabinets d’expertise comptable devront, à mon sens, accompagner encore davantage leurs clients, souvent peu à l’aise avec l’informatique.

 

- Quels conseils donneriez-vous à des utilisateurs débutants sur Chorus Pro ?

Je recommanderais de participer aux webinaires et aux classes virtuelles, et de chercher sur le site de la Communauté Chorus Pro. Tous les tutoriels et supports sont très bien faits.

 

Illustration article - La parole aux utilisateurs

La parole aux utilisateurs

Ce mois-ci, Estelle H., assistante administrative dans un bureau d’études du bâtiment, a accepté de nous partager son témoignage sur l’utilisation de Chorus Pro.

 

- Quels sont vos clients publics ?

Nous travaillons avec différents types de clients publics : des établissements publics de santé, des collectivités (communes, départements et régions), des bailleurs sociaux…

 

- Comment avez-vous découvert Chorus Pro et depuis quand l'utilisez-vous ?

Nous avons commencé à utiliser Chorus Pro il y a moins d’un an, suite à une communication de l’un de nos clients publics qui nous a indiqué qu’il était nécessaire de passer par cet outil pour le facturer.

 

- Qu’est-ce qui vous a aidé à vous approprier Chorus Pro ?

J’ai participé à plusieurs webinaires qui m’ont permis de bien appréhender le fonctionnement de Chorus Pro, et bien sûr, la pratique sur l’outil me permettra de parfaire mon appropriation.

 

- Que vous ont apporté les classes virtuelles auxquelles vous avez participé ?

Je n’ai pas encore eu l’occasion d’en suivre une pour l’instant mais je prévois de le faire prochainement afin de pouvoir échanger en direct avec un formateur et poser mes questions.

 

- Quels sont les apports réels de Chorus Pro pour vous ?

Chorus Pro permet un gain de temps non négligeable pour les fournisseurs. Il permet aussi de disposer d’une procédure simplifiée pour la facturation, et le fait de pouvoir suivre le traitement des factures dans l’outil est un réel plus.

 

- Quels conseils donneriez-vous à des utilisateurs débutants sur Chorus Pro ?

Je leur conseillerais de s’inscrire aux webinaires, qui offrent une bonne première approche de cet outil.

 

Illustration article - La parole aux utilisateurs

La parole aux utilisateurs

Ce mois-ci, Anne E., assistante gestion comptable dans la fonction publique territoriale, nous partage son ressenti sur l’utilisation de Chorus Pro.

 

- Bonjour Anne, vous utilisez Chorus pro depuis un moment, qui sont vos clients publics ?

 

Nous travaillons essentiellement avec des mairies et des sociétés d’économie mixte.

 

- Comment avez-vous découvert Chorus Pro et depuis quand l'utilisez-vous ?

 

J’ai découvert Chorus Pro à l’occasion de ma première prise de poste en tant que compte, en 2016.

 

 - Qu’est-ce qui vous a aidé à vous approprier Chorus Pro ?

 

J’ai pu m’appuyer sur mes collègues qui m’ont partagé leurs connaissances de l’outil ainsi que leurs bonnes pratiques. J’ai également utilisé la documentation présente sur le site de la Communauté Chorus Pro.

 

- Avez-vous eu l’occasion de participer à des classes virtuelles ? Que vous ont – elle apportées ?

 

Les classes virtuelles m’ont permis de bien comprendre le processus global et d’apprendre des astuces pour optimiser l’utilisation de Chorus Pro.

 

- Quels sont les apports réels de Chorus Pro pour vous ?

 

Chorus Pro permet d’avoir un suivi de l'avancement des factures du marché, d’assurer la rapidité de la réception des factures. Enfin, Chorus Pro offre la possibilité de correspondre avec les différents acteurs lors du traitement des factures.

 

- Quels conseils donneriez-vous à des utilisateurs débutant sur Chorus Pro ?

 

Je leur conseillerais de profiter du dispositif d’accompagnement mis en place par l’AIFE : participer aux webinaires et aux classes virtuelles, et consulter la documentation sur la Communauté Chorus Pro.

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